Vapoteuse et écologie

Ce n’est un secret pour personne : les cigarettes conventionnelles et l’écologie n’ont jamais fait bon ménage. Mégots abandonnés sur les trottoirs ou dans la nature, pollution lourde des océans, rejet de substances toxiques et de CO2 dans l’air par la combustion, culture intensive du tabac : la production astronomique de millions de cartouches par an dans le monde est un désastre du point de vue environnemental. En passant à la e-cigarette, l’utilisateur réduit considérablement son bilan écologique. Pour autant, l’augmentation exponentielle de la puissance des batteries, les initiatives écoresponsables encore timides des fabricants et l’absence d’e-liquides biologiques interrogent. Vapoter, n’est-ce pas alors se donner une bonne conscience écologique injustifiée ?

E-cigarette et écologie

La vapoteuse : un bilan environnemental significativement meilleur que le tabac

Il peut paraître maladroit de qualifier d’écologique un dispositif technologique utilisant des matériaux non renouvelables, consommant de l’énergie (pas forcément propre), des liquides industriels, tout en ne répondant à aucun besoin humain fondamental. Pour autant, a minima, la vapoteuse est infiniment préférable à la cigarette d’un point de vue environnemental.

Une vapoteuse permet des dizaines, voire des centaines de milliers d’inhalations avant de rendre l’âme. Le corps de la vapoteuse (le pod, ou le clearomiseur et la box) est donc largement réutilisable. Elle fonctionne avec des e-liquides constitués de composés bien moins chimiques et polluants que pour la cigarette. La fabrication des e-liquides nécessite des composés identiques à ceux de la cuisine industrielle : arômes, additifs, propylène glycol et glycérine végétale.

Plus que leurs composants, le mode de consommation par vaporisation des e-liquides leur permet de rejeter très peu de composés polluants dans l’atmosphère, là où la fumée de cigarette contient plus de 4000 substances chimiques (1), comme les goudrons, le monoxyde de carbone ou cadmium.

Enfin, la vapoteuse produit moins de déchets que la cigarette, et ceux-ci sont moins polluants. Il était de toute manière difficile de faire pire que la cigarette. Le filtre des cigarettes – à savoir que seuls 2% des cigarettes « indus » vendues ne comportent pas de filtres – est fabriqué à partir d’acétate de cellulose, et est traité par des composés très polluants, comme le dioxyde de titane ou la triacétine.

Un unique mégot jeté dans l’eau ou lâché avec dédain dans un égout pollue jusqu’à 500 litres d’eau en se décomposant ! Si bien que le rapport 2018 de l’ONG Ocean Conservancy décerne au mégot de cigarette la honteuse médaille de pire danger pour les océans terriens (2).

En réduisant la consommation de tabac, la vapoteuse aurait même un bilan écologique positif !

Comprendre le mot « écologie » comme une seule science de l’environnement serait très réducteur. L’écologie est une science holistique, qui décrit et pense les interactions entre les éléments d’un tout, qui forme alors un écosystème. Il ne faut pas considérer le bilan écologique de la e-cigarette de manière isolée, mais en adoptant un point de vue systémique et global.

En permettant de diminuer considérablement le nombre de fumeurs et donc, la consommation de tabac à l’échelle globale, le développement de la vapoteuse permet de diminuer les conséquences néfastes pour l’environnement. Ainsi, la vapoteuse pollue beaucoup moins que la cigarette, mais surtout, elle en limite fortement la très polluante utilisation.

Dans un même temps, la vapoteuse, beaucoup moins toxique que le tabac fumé ou chauffé, permet de réduire le terrible bilan humain de la cigarette. C’est autant d’individus qui vivront dans de bonnes conditions, sans peser fortement sur le système de santé de leur pays – ce budget pouvant être alloué à la transition écologique – ou dépendre de scanners et de traitements gourmands en énergie pour survivre.

Enfin, la vapoteuse est une porte d’accès simple et ludique au mouvement plus général du DIY ! Il est aujourd’hui à la portée d’un enfant de 8 ans – enfin, si celui-ci pouvait vapoter bien sûr – de faire son propre e-liquide, en jouant au chimiste amateur. Une base, un arôme et un calculateur en ligne : le tour est joué. En portant, dès ses débuts, l’idée d’une possibilité de faire par soi-même et de réutiliser ses propres flacons, tout en limitant le gâchis de plastique, la vapoteuse s’inscrit dans une tendance contemporaine (presque) anticonsumériste.

Un argument écologique encore peu exploité par les fabricants d’e-cigarette et de e-liquides

Pour pouvoir qualifier un e-liquide de « biologique », selon les critères admis dans l’agroalimentaire ou dans l’industrie cosmétique, il faut que tous ses ingrédients soient issus de l’agriculture biologique et qu’il n’aient pas subi de transformation chimique. Si cela est possible pour la glycérine végétale, le propylène glycol, et la grande majorité des arômes, la nicotine utilisée dans les e-liquides commerciaux n'est pas compatibles avec cette dénomination. Cette difficulté à produire un e-liquide méritant le label biologique explique, en partie, qu’aucun e-liquide ne revêt, à l’heure, actuelle, cette certification (sauf fraude à l'appellation).

Plus largement, remarquons que peu des fabricants de e-liquides et de e-cigarettes font de l’argument écologique un véritable argument de vente, ou une philosophie de fabrication réelle. Certaines marques surfent néanmoins déjà sur cette tendance, en proposant des packagings écoresponsables, ou en intégrant au maximum les teintes vertes et marrons dans leur univers graphique. Reste à voir si cela se concrétisera à l’avenir, par des démarches écoresponsables plus globales et abouties.

Un bilan écologique fragilisé par certaines tendances de l’industrie de la vape

Il faut apporter une réserve au bilan très positif dressé jusqu’ici. Certaines tendances du marché de l’e-cigarette remettent partiellement en cause ses vertus environnementales. Par exemple, les Puffs sont très à la mode en 2021.  Un concept d’e-cigarette jetable, ne permettant que 400 inhalations. Certes, les fabricants proposent la collecte, et parfois le recyclage (mention spéciales aux toutes nouvelles Dot E-séries du célébrissime Dotmod). Mais l’idée de doter un objet en plastique d’une batterie polluante, pour ne l’utiliser que quelques jours au maximum, fait un peu froid dans le dos, ou un peu chaud à la planète…

Il faut aussi noter l’évolution significative de la puissance des nouvelles vapoteuses. Les pods ultracompacts d’aujourd’hui ont parfois la même puissance que les gros mods d’hier. Cette course à la performance implique, outre la fabrication de batteries plus consommatrices de ressources, une consommation d’e-liquide et de courant électrique accrue. Si, pour l’heure, cette consommation supplémentaire reste, de toute évidence, bien moins néfaste pour l’environnement que la fabrication de cigarettes conventionnelles, il serait dommage de retirer cette aura écologique à l’e-cigarette.

Conclusion

En matière d’écologie, la vapoteuse est un peu à la cigarette ce que le mail est à la lettre postale : la promesse d’une résolution du problème environnemental par les technologies. Oui, la vapoteuse est, en l’état actuel, bien moins polluante que la cigarette. Surtout, son potentiel incroyable pour détourner les fumeurs de leur mauvaise habitude de consommation lui donne un bilan écologique global très positif. Reste à voir qui l’emportera, entre la course à la puissance, synonyme de pollution numérique (3), et les qualités intrinsèques de ce dispositif réutilisable, dégageant une vapeur non toxique et incitant naturellement ses utilisateurs à se tourner vers des comportements écoresponsables, comme le Do It Yourself.

(1) https://cnct.fr/la-composition-de-la-fumee-de-tabac/

(2) https://oceanconservancy.org/wp-content/uploads/2018/07/Building-A-Clean-Swell.pdf

(3) https://www.greenpeace.fr/la-pollution-numerique/