La thèse de Sébastien Soulet
Alors que les études se multiplient à travers le monde sur la nocivité supposée de la vapoteuse, les thèses de doctorat sur la cigarette électronique se sont faites, jusqu’ici, relativement rares. Dans une recherche doctorale qui n’est pas passée inaperçue, l’ingénieur français Sébastien Soulet a apporté des éclairages déterminants sur le fonctionnement des dispositifs de vapotage.
Plus précisément, il est parvenu à modéliser la plage de fonctionnement optimal des vapoteuses, pour ensuite permettre aux études ultérieures de ne plus reproduire les biais méthodologiques qui prédominaient jusqu’ici, dans les études qui cherchent à quantifier les émissions des cigarettes électroniques. Leurs résultats doivent être relativisés, au regard de conditions expérimentales très éloignées du comportement réel des vapoteurs.
Très encourageant pour l’avenir de la recherche sur la cigarette électronique, ce travail doctoral ouvre de nouvelles perspectives, tant par ses résultats que par sa médiatisation, qui pourrait créer de nouvelles vocations chez les jeunes chercheurs. Retour sur une thèse médiatisée dans les publications du monde de la vape, ses apports et ses perspectives.
Sébastien Soulet, auteur de la « première thèse » sur la vapoteuse ?
Sébastien Soulet, membre d’Ingésciences, a produit une recherche doctorale ambitieuse. Durant trois années, il a mené une thèse, co-financée par la Région Nouvelle-Aquitaine et par l’entreprise Ingésciences, et en partenariat entre l’école I2M et l’équipe de recherche TREFLE (Fluides et Transferts) de l’Université de Bordeaux, visant à étudier, au plus près des données réelles, le fonctionnement des cigarettes électroniques (1).
Pendant sa thèse, il a notamment eu l’occasion de copublier des articles de recherche s’inscrivant dans son projet de doctorat, notamment sur la nécessité de mieux simuler la vape en inhalation directe dans les études médicales et d’ingénierie sur le vapotage (2). Soutenue le 22 janvier 2021, cette thèse de thermodynamique part d’un cadre méthodologique ambitieux, et apporte des résultats précieux pour les recherches ultérieures.
Mais, contrairement à ce que l’on peut lire un peu partout , il ne s’agit pas de la « première thèse » sur la cigarette électronique ! Sur le site national des thèses françaises (3), on trouve au moins 5 thèses portant directement sur la cigarette électronique, avec les mots-clés « vapotage » et « cigarette électronique ». Une recherche complémentaire sur les moteurs de recherche donne d’autres occurrences, en médecine, en pharmacie, en sociologie, en ingénierie ou en chimie.
Surtout, la France est loin d’être le seul vivier scientifique de recherches sur ce sujet. Pour ne prendre qu’un exemple parmi d'autres, une thèse a été soutenue à l’Université de Glasgow en 2020 sur les effets cardio-vasculaires et respiratoires des cigarettes électroniques (4). C’est donc une erreur des médias et commerçants du monde de la vape de présenter cette thèse comme la « première ». Si elle n’est pas la première, elle est cependant celle qui a eu, jusqu’ici, les résultats les plus instructifs.
Les objectifs et l’approche de cette recherche doctorale
Cette thèse est intitulée : « L’apport de la thermodynamique pour la compréhension du fonctionnement d’une cigarette électronique ». Elle part d’un constat, doublé d’une intuition. D’une part, malgré une multiplicité d’études portant sur les émissions des vapoteuses, les réactions qui se produisent dans le clearomiseur sont encore mal connues. D’autre part, les protocoles de laboratoire seraient déconnectés des habitudes réelles de consommation.
Pour répondre à ces problématiques, le chercheur se donne pour objectif de construire une modélisation numérique du fonctionnement d’une vapoteuse. En effet, comme il l’explique lui-même (5), il est très difficile d’effectuer des mesures et de récolter des informations sur une cigarette électronique en fonctionnement. En effet, le caractère clos et la taille réduite d’une vapoteuse agissent comme des freins à la compréhension des mécanismes en jeu. Dans ce contexte, l’intérêt de recourir au calcul numérique s’explique tout à fait.
Second pan de son étude, Sébastien Soulet décide, pour établir sa méthodologie, de tester plusieurs configurations de liquides et de matériels. Il réalise à cette occasion qu’outre leurs différences, ces différents équipements ont, à chaque fois, trois régimes de fonctionnement : basse puissance, puissance idéale et surchauffe. Cette observation n’a rien d’anodin : elle va permettre au chercheur d’Ingésciences de démontrer l’inadaptation des protocoles jusqu’ici mis en place dans la recherche sur la vaporeuse.
Des résultats significatifs du point de vue méthodologique
Comme nous le disions, Le Dr Soulet a mis en exergue que les vapoteuses ont en commun de pouvoir fonctionner à trois régimes :
- Lorsque le liquide est trop peu chauffé, c’est-à-dire que l’équipement fonctionne en « sous-régime », la vaporisation ne s’effectue pas correctement ;
- Lorsque le liquide est chauffé à la bonne température, la quantité de liquide évolue linéairement et de petites bulles se forment sur le fil résistif ;
- Enfin, lorsque la tension est trop élevée, ces bulles laissent place à une poche de gaz et à l’émission beaucoup plus importante de produits de dégradations.
En corrélant la puissance de vape, l’expérience utilisateur et les plages de vape préconisées par les fabricants, le chercheur est parvenu à démontrer que dans la plupart des études, les protocoles employés pour simuler le vapotage n’étaient pas réalistes. Les tests se font classiquement à basse puissance, puis à haute puissance. Mais ils négligent la zone idéale de vapotage ! Pour vulgariser, ce serait comme tester un moteur diesel à 1000 tours/minute, puis à 5000 tours/minute, sans jamais observer la performance du moteur à 2000 tours.
Ainsi, non seulement les matériels de vape ne sont pas utilisés selon les préconisations des constructeurs dans ces études, mais surtout, elles ne correspondent pas non plus aux habitudes des vapoteurs eux-mêmes. Le chercheur explique que dans la zone de surchauffe, le ressenti du consommateur est mauvais. Il va donc, de lui-même, réajuster à la baisse la puissance pour se rapprocher du point idéal.
Finalement, dès lors que les plages de fonctionnement réellement utilisées par les vapoteurs sont ignorées dans les études, les conclusions alarmistes qu’elles tirent sur la dangerosité de la vape… le sont tout autant. Pour résumer, oui, une vapoteuse surchauffée émet une quantité significative de particules toxiques, mais personne ne vape ainsi.
À l’aune de ces constats, le chercheur est en mesure, à la fin de sa thèse, de dévoiler et d’expliquer les erreurs des protocoles mobilisés jusqu’ici, d’apporter des éléments méthodologiques pour augmenter la rigueur expérimentale des études à venir sur la vape et de laver cette alternative prometteuse au tabagisme de nombre de soupçons infondés qui nuisent à son développement.
Conclusion : Vers la fin des études déconnectées des comportements réels des vapoteurs ?
La science est une grande course de relais, dans laquelle chaque nouveau chercheur digère les travaux de ses prédécesseurs, pour amener plus loin la connaissance sur un domaine. C’est exactement ce qu’a fait Sébastien Soulet. En démontrant que les protocoles mobilisés étaient déconnectés de l’utilisation réaliste des produits de la vape, il donne l’opportunité aux études futures de gagner en précision, autant qu’il met en garde contre les résultats incohérents et alarmants obtenus par certaines études.
Pour autant, il faut garder à l’esprit que la science est un processus lent, doté d’une certaine inertie – et tant mieux ! Pierre à l’édifice de la connaissance sur le vapotage, cette étude doit encore faire des émules et être confirmée par le reste de la communauté scientifique, avant de produire une amélioration visible des conditions expérimentales de recherche sur la nocivité de la vapoteuse.
(1) https://ingesciences.fr/une-these-pour-comprendre-fonctionnement-cigarette-electronique/blogalites/
(2) https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31783619/
(3) http://www.theses.fr/ target="_blank"