Les pouvoirs publics du Royaume-Uni sont parmi les plus enthousiastes du monde pour porter, promouvoir et faciliter l’accès à la vape, dans le but d’endiguer le tabagisme. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il s’agit d’une stratégie payante ! Alors que cet État accuse d’une baisse toujours plus importante du nombre de fumeurs quotidiens, la vape prend de plus en plus de terrain, qu’il s’agisse du nombre d’utilisateurs ou de la multiplication des points de vente. Pour autant, les normes strictes qui encadrent la production des e-liquides au Royaume-Uni, les retours en arrière dans le monde anglo-saxon, ou encore, le Brexit, pourraient menacer directement cet état de fait. Le Royaume-Uni restera-t-il, contre vents et marées, un « paradis de la vape » ?
Une baisse considérable du tabagisme au Royaume-Uni
Toutes catégories confondues, la proportion de fumeurs au Royaume-Uni est passée de 20,2% en 2011, à 14,1% en 2019 (1). La vitesse à peine croyable à laquelle la proportion de fumeurs décline dans cet État, couplée à la très faible prévalence du tabagisme au Royaume-Uni en valeur absolue (environ 10% de moins qu’en France !) laissent à penser, en toute bonne foi, que le Royaume-Uni soit l’un des premiers lieux où le tabac pourrait disparaître dans un futur plus ou moins proche.
Avant même l’âge de gloire de la vapoteuse, la tendance à la baisse du tabagisme dans les îles Britanniques fut rendue possible par les nombreuses initiatives des autorités publiques. En 2012, elles lançaient le Stoptober, qui sera adapté en France sous le nom du « Mois sans tabac ». Véritable phénomène de société, il marqua le point de bascule du déclin du tabagisme au Royaume-Uni et surtout, le début d’une politique d’encouragement de l’e-cig, qui n’a, aujourd’hui, rien perdue de sa vigueur.
Une augmentation du nombre de vapoteurs encouragée par les autorités publiques
En 2019, 5,7% des personnes sondées au Royaume-Uni déclaraient utiliser régulièrement une e-cigarette, soit environ 3 millions d’adultes ! (1). Contrairement à de nombreux États, les autorités politiques et sanitaires du Royaume-Uni accueillent à bras ouverts le vapotage, la culture vape et le développement économique de ce marché.
En effet, Outre-manche, les autorités sanitaires ont vite compris le potentiel de l’e-cig dans l’arrêt du tabac. Une étude de mai 2019, menée par quatre chercheurs anglais et publiée dans la revue Addiction, indiquait ainsi que les chances d’arrêter le tabac étaient deux fois plus importantes chez les usagers de la vapoteuse que chez ceux tentant un arrêt « sec », sans substitut (2). Elles font la promotion de la vape comme outil majeur de la lutte contre le tabagisme, avec un enthousiasme et un volontarisme politique sans égal sur la planète.
Vu de la France, cela donne des mesures assez incroyables, inimaginable pour l’heure dans l’Hexagone. Par exemple, le Public Health England incitait, début 2018, les personnels soignants des hôpitaux à faire la promotion de la vape auprès de leurs patients, à remplacer les zones fumeurs des hôpitaux par des zones « Vape friendly » et même, à installer des points de vente d’e-cigarettes et d’e-liquides au sein même des établissements hospitaliers ! (3)
Des normes incitatives, intelligemment pensées
Les normes sur la vapoteuse ont un impact direct et mesurable sur la capacité de l’e-cigarette et des produits associés à s’implanter dans un État et à influencer positivement le comportement des fumeurs, en les incitant à se tourner vers cette alternative viable et positive. Conscientes de cette réalité, les autorités sanitaires britanniques ont opté pour l’édiction de normes visant à améliorer la qualité des e-liquides, plutôt que d’en restreindre l’usage ou le choix.
Une interdiction des e-liquides parfumés pourrait endiguer cette tendance favorable à la hausse du nombre de vapoteurs, les autorités sanitaires britanniques s’y refusent. En ce sens, elles suivent à la lettre les recommandations issues du suivi opéré par Public Health England, mis à jour en mars 2020 (4). Les autorités britanniques ont ainsi ont parfaitement compris que l’e-cigarette mérite une place centrale dans la stratégie de lutte contre le tabagisme.
Est-ce un particularisme du Royaume-Uni ? Du moins, il ne s’agit pas d’une tendance généralisée dans le monde anglo-saxon, au vu de ce qui se passe aux États-Unis ! Selon Deborah Arnott, la directrice de l’organisme Action on Smoking & Health (ASH), la politique normative menée par le Royaume-Uni en matière de vape est bien plus intelligente, à court comme à long terme, que celle menée aux États-Unis. Ils se seraient eux-mêmes mis dans la mouise, par une approche prohibitionniste, plutôt que d’accompagner de manière positive le développement de la cigarette électronique (5).
Le marché de la vape au Royaume-Uni : une solide seconde place à l’échelle mondiale
Le Royaume-Uni est le second marché de la vape après les États-Unis, et avant la France. La première place ne lui est pas accessible, non pas en raison d’un manque de volontarisme, mais en raison d’une population (66 millions) bien inférieure à celle des États-Unis (328 millions !). Son développement rapide a été permis, outre les raisons susévoquées tenant à la proactivité des autorités publiques, par la réceptivité de ce marché aux initiatives du marché de la vape sur son territoire.
D’une part, le marché britannique accepte avec plaisir les retournements de veste des magnats du tabac. Le directeur de la recherche de British American Tobacco (BAT), David O’Reilly, expliquait ainsi récemment au média La Presse que la cigarette électronique était, selon son groupe, l’avenir de l’industrie du tabac. La part des revenus des produits de l’e-cigarette dans le chiffre d’affaires de ce groupe connaissait une croissance exponentielle, jusqu’à pouvoir atteindre, aux environs de 2023, 20% de ses revenus totaux. Dans le même sens, la marque de pods ultranicotinés JUUL, détenue pour partie par le géant Philip Morris International, est parvenue à facilement s’implanter au Royaume-Uni, ce qui contraste avec son échec cuisant en France.
D’autre part, le Royaume-Uni valorise historiquement les fabricants et les vendeurs d’e-cigarettes, par la tenue annuelle du Vaper Expo UK, l’un des plus grands évènements européens. Chaque année, 300 exposants viennent présenter leurs dernières innovations à plus de 20 000 visiteurs, sur trois jours.
Il reste seulement à espérer que le Brexit ne mette pas un coup d’arrêt à ce tableau idyllique de l’économie de la vape au Royaume-Uni ! En effet, la rupture des relations d’échange avec d’autres grands producteurs européens, comme la France ou l’Allemagne, pourrait provoquer des pénuries de certains produits, et par voie de conséquence, diminuer l’attrait de l’e-cigarette auprès de certains vapoteurs.
Conclusion
Le développement rapide et durable de la vape au Royaume-Uni ne s’est pas fait au prix de normes permissives, notamment sur la fabrication des e-liquides. Loin d’être un élément limitant, la production normative agit plutôt comme une garantie pour l’avenir, améliorant l’image de la vapoteuse et portant son développement sur le long terme. Le Royaume-Uni est un modèle de réussite pour la vape, à commencer par la bonne volonté – déjà payante – des autorités publiques à promouvoir cette alternative positive au tabac. Reste à espérer que les autorités françaises se montrent suffisamment courageuses pour suivre la voie tracée par le Royaume-Uni, véritable paradis de la vape !
(1) Office for National Statistics, Adult smoking habits in the UK: 2019. https://www.ons.gov.uk/peoplepopulationandcommunity/healthandsocialcare/healthandlifeexpectancies/bulletins/adultsmokinghabitsingreatbritain/2019
(2) https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/add.14656
(3) https://fr.vapingpost.com/langleterre-veut-promouvoir-la-vape-a-lhopital/
(4) https://www.gov.uk/government/publications/vaping-in-england-evidence-update-march-2020/vaping-in-england-2020-evidence-update-summary