Ces dernières décennies, la consommation de tabac n’a cessé de diminuer dans le monde. Cette baisse encourageante est l’effet de plusieurs facteurs, plus ou moins déterminants, à commencer par le développement de la cigarette électronique et de la quête d’un mode de vie sain. Pour autant, jusqu’où peut-on imaginer que le tabac va disparaître ? Va-t-il être un jour prohibé ? Va-t-il tomber en désuétude totale, si bien que les fumeurs se sentiront complètement marginalisés ? Peut-on imaginer un monde sans tabac ? Petit exercice de prospection, sur la base des données disponibles et de notre imagination.
Un déclin observable qui laisse entrevoir la perspective d’un monde sans tabac
La courbe du nombre de fumeurs continue sa course (vers le zéro absolu ?), doucement, mais sûrement. Alors que 28% des Français étaient fumeurs en 2014, ils ne sont plus que 24% à fumer quotidiennement des cigarettes en 2019 (1). Sur la même période, le nombre de cigarettes consommé par jour par chaque fumeur homme est passé de 14,6 à 13,5 (2).
Ce phénomène ne concerne pas que l’Hexagone : l’Allemagne ou le Royaume-Uni attestent d’une baisse considérable de la proportion de fumeur, et la forte croissance du tabagisme dans les pays émergents semble enfin marquer un coup d’arrêt. Certains imaginent déjà d’une disparition complète du tabac. En tout cas, c'est un pronostic qui relève de moins en moins de la rêverie.
Récemment, des déclarations sont allées dans ce sens, et l’e-cigarette n’y est pas étrangère ! Les autorités publiques du Royaume-Uni, véritable paradis de la vape, où seulement 15% de la population fume, se plaisent à y rêver. De manière plus surprenante, c’est aussi un discours que l’on entend de plus en plus… chez les dirigeants des multinationales du tabac ! Une déclaration récente du patron de Philip Morris à, à ce titre, suscité aussi bien moqueries, que méfiance face à un surprenant retournement stratégique (3).
Les causes de cette impopularité croissante
La prise de conscience des ravages du tabac
La première cause qui explique ce déclin vient du tabac lui-même, ou plus précisément, de la prise de conscience généralisée de sa dangerosité absolue. Première cause de décès évitable, qui tue un de ses adeptes sur deux et qui cause l’infertilité… Les paquets neutres aux images chocs, les affaires médiatiques comme le procès intenté par le Cowboy Malboro, Éric Lawson, contre la firme qui lui a causé un cancer du poumon fatal, révélèrent au plus grand nombre le non-sens de ce produit mortel.
Les mesures de prévention et de dissuasion des autorités publiques
Les hausses régulières des taxes sur les produits du tabac, couplées à la généralisation du paquet neutre, ou encore, à l’interdiction des cigarettes parfumées et mentholées, ont des effets directs et mesurables sur la proportion de fumeurs. Il s’agit d’un phénomène observé et observable dès les premières taxes sur le tabac, dans les années 1970. Christophe Palle, un responsable de l’Observatoire Français des drogues et des toxicomanies (OFDT), note ainsi que depuis cette date, « les ventes et le prix évoluent en miroir » (4).
Le développement de la vapoteuse et de la culture vape
Si la tendance s’accélère ces dernières années, c’est en grande partie grâce à l’arrivée d’un challenger de taille pour la cigarette : la vapoteuse ! Au fur et à mesure que la e-cigarette prend du terrain, depuis la seconde moitié des années 2000, le tabac recule d’autant. Grâce à ces très bons résultats en termes de sevrages tabagiques, même partiels (un vapofumeur qui ne consomme que deux cigarettes par jour est loin d’être aussi rentable qu’avant pour l’industrie du tabac !), la vapoteuse remplace peu à peu la cigarette dans l’espace public et dans les foyers. Même si certains États, comme les Etat-Unis, semblent tout mettre en œuvre pour ralentir sa progression, elle est parvenue, en quelques années, à s’implanter durablement et à changer les habitudes de consommation. Et non : la e-cig n’est pas une porte d’entrée vers la cigarette !
Une réaction sociale renforcée par les tendances contemporaines
Après l’ère des hypermarchés toujours plus grands, de la nourriture industrielle, de l’obsolescence programmée et des serviettes jetables, il semblerait que nous connaissions un nouveau tournant, en direction d’une alimentation plus locale et moins carnée, de l’être plutôt que de l’avoir, et surtout, d’un mode de vie plus « healthy », conscient de l’importance d'entretenir un corps sain. Consumériste, destructeur pour la santé et mondialisé, le tabac est profondément incompatible avec ces nouvelles valeurs émergentes, alors que l’e-cigarette s’en accommode très bien !
Les stratégies de la dernière chance de l’industrie du tabac
Les cours en bourses des géantes historiques du tabac sont en chute libre : -30% en seulement trois ans. Pour sauver le navire, déjà à moitié englouti par la vague de la vie saine, des pods et des taxes, l’industrie du tabac ne lésine pas sur les moyens. Le premier d’entre eux est tout simplement de retourner leur veste, en rejoignant le camp qui est en train de l’emporter. Pour brouiller les pistes, les grands groupes misent sur une communication renouvelée, qui met la santé de l’utilisateur au centre… Quitte à reconnaitre à demi-mot avoir fait des profits colossaux en empoisonnant la population depuis plus d’un siècle !
Conclusion : le tabac pourra-t-il aller jusqu’à disparaître ?
Difficile de dire si le tabac va véritablement disparaître. Comme la polio, ne risque-t-il pas de résister à l’éradication totale, en réapparaissant ici ou là, dans un monde globalisé où les habitudes de consommation (comme les virus) sont entremêlées ? L’avenir nous le dira. Quoi qu’il en soit, chaque flacon de e-liquide acheté en lieu et place d’un paquet de cigarettes est un pas dans la bonne direction.